« Noire ici, blanche là-bas », Claude Haffner filme sa quête identitaire (+ vidéo)


DOCUMENTARISTE MÉTISSE FRANCO-CONGOLAISE, Claude Haffner choisit de revenir dans son Congo natal en compagnie de sa mère. Une façon de mieux comprendre ce qu’elle porte en elle : sa part alsacienne, sa part congolaise, qu’elle redécouvre après une longue absence.

Sa passionnante quête identitaire « Noire ici, blanche là-bas » a été diffusée mercredi 8 février sur France 3 Alsace. Voici un extrait :

Originaire de Brunstatt, Pierre Haffner était un passionné de cinéma. Parti enseigner en Afrique dans les années 70, ce prof de philo a été l’un des premiers à s’intéresser au 7 e art africain, dont il est devenu un spécialiste reconnu. En République démocratique du Congo (RDC), il a aussi rencontré sa future épouse, qui lui a donné un fils et une fille, Claude, née à Lubumbashi en 1976.

Après un détour par le Sénégal, la famille s’est installée à Strasbourg au début des années 80, Pierre Haffner ayant été recruté par l’université. Pour Claude, qui s’est toujours sentie « à la fois blanche ET noire », la question de l’intégration ne s’est jamais posée. « Nous avons toujours vécu dans des communautés mélangées, et mes parents ont toujours présenté ce métissage comme un avantage, raconte Claude Haffner. Petite, quand je passais mes vacances à Brunstatt, je ne voyais pas la couleur de peau, alors que mes cousins sont des blonds aux yeux bleus ! »

À Strasbourg, elle dit n’avoir jamais ressenti le racisme. « Je l’ai sans doute ignoré, allant spontanément vers des gens qui n’ont pas de problème avec ça. » Elle se souvient seulement de ces profs qui s’agaçaient, incrédules, lorsqu’elle levait la main pour la première fois à l’appel de son nom. Et des regards, ou des mots, des autres passagers, dans les transports en commun, lorsqu’elle s’amusait avec son père, manifestement suspecté de harceler une fillette qui ne pouvait être la sienne…

L’Afrique, pour Claude, appartenait alors au passé, et au décor. « Mon père faisait beaucoup vivre l’Afrique à la maison, c’était un collectionneur impénitent, et ma mère écoutait de la musique africaine, parlait le lingala, le swahili et le tshiluba avec ses compatriotes. Mais nous ne sommes jamais retournés tous ensemble en Afrique. »

Ce n’est qu’après le décès brutal de son père, en 2001 (lire l’encadré), que Claude Haffner s’est intéressée à ses origines africaines. En 2004, sa mère accepte enfin de l’accompagner, pour un premier retour en RDC. C’est « un choc » pour la jeune Alsacienne de 27 ans, devenue réalisatrice de documentaires.

Elle découvre « un pays chaotique » et la région d’origine de sa mère – le Kasaï – au sous-sol exceptionnellement riche (en diamants), mais où la population survit tant bien que mal. « Les gens mangent à tour de rôle dans la semaine, ils parlent de’’délestage alimentaire’’, et risquent leur vie dans les mines. Je me suis dit qu’il y avait des histoires à raconter. » Des images sont tournées, les premières de ce qui deviendra le film Noire ici, blanche là-bas.

Son projet initial, soutenu par le réalisateur sud-africain Ramadan Suleman, était de dénoncer cette exploitation des diamants, avec une narration ludique. Mais pour le mener à son terme, à la demande des producteurs (France 3 Alsace et la société strasbourgeoise Seppia), elle l’a confronté à sa propre quête identitaire. « Au Congo, je ne me sentais pas étrangère, mais les autres, y compris les gens de ma famille, me l’ont bien fait comprendre. Pour eux, je suis des leurs, mais ils n’oublient pas que je suis blanche, française, riche, différente… »

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