Pascal Légitimus : les ressorts intimes du métissage (entre Arménie et Antilles)


PASCAL LÉGITIMUS, D’ORIGINE ARMÉNIENNE ? Bien sûr que non, se dit-on. Dans l’imaginaire du grand-public, Légitimus, c’est forcément l’Antillais rigolard, Mamadou de la Case, ou bien encore Marie-Thérèse, l’infirmière indolente de l’hôpital public.

Impression trompeuse. La mère de Pascal Légitimus, aujourd’hui décédée, était arménienne et lui se définit maintenant comme « Arménien à la ville, Antillais sur scène ». Pourquoi alors avoir occulté ce côté-là de sa personnalité ? Sans doute par pudeur mais aussi par besoin de maturation. « J’ai écrit pendant des dizaines d’années et je m’y suis mis sérieusement pendant un an. J’avais accumulé un nombre d’anecdotes assez importantes sur ce métissage rare. Et j’avais un point de vue. J’ai donc décidé de m’y mettre.  » La cinquantaine passée, l’humoriste a donc tenu à mettre en  relief ses différentes appartenances dans son Alone Man Show, joué en ce moment à Paris. Comme le montre la bande-annonce :

Avec un fil rouge :  le métissage. « Au début, j’ai joué pendant deux heures. Puis, j’ai écrémé en enlevant progressivement tout ce qui n’était pas lié à ce thème. » Pascal Légitimus est né en 1959 de l’amour d’une mère arménienne couturière, Madeleine Kambourian, et d’un père acteur antillais renommé, Théo Légitimus, qui partagea notamment l’affiche avec Arletty, Jean Gabin, Simone Signoret. Un mélange extrêmement rare à l’époque.

Petit, on me crachait dessus,
on me battait

L’apprentissage de la différence fut rude pour le petit Pascal. « Petit, j’étais isolé. Dans la cour d’école, on me crachait dessus, on brulait mes vêtements. On me battait. Et quand, je rentrais à la maison, j’étais triste. Je ne comprenais pas. Mon père m’a dit : « Travaille ! Ta couleur de peau te permettra de voir ceux qui t’aiment vraiment. » Cela s’est heureusement révélé vrai. » A l’adolescence dans les années 60-70, l’union « caucase-cocottier » – selon son expression – détonne, car personne ne le situe. « À l’époque, avec mon frère, on était presque à mettre sous cloche. J’ai vécu des situations assez croustillantes. On me prenait pour un Arabe, un Algérien ou même un Brésilien. Mais jamais pour un Français d’origine antillaise. »

A entendre l’humoriste des Inconnus se livrer ainsi pour la première fois, on comprend mieux pourquoi il ne l’avait pas effectué auparavant. Par retenue certainement. Peut-être aussi que le public n’était pas prêt. « Ce spectacle a germé pendant 35 ans. Avant, je n’étais pas mur comme acteur. Et j’aime jouer avec le public : j’avais besoin de l’autre. Si j’avais réalisé ce spectacle, il y a 15 ou 20 ans, cela aurait été un peu déplacé. Les gens n’auraient pas eu les codes. Maintenant, et notamment grâce à Obama, nous sommes passés dans l’ère du métissage. »  

Un témoignage utile et nécessaire
pour les personnes mélangées

Le spectacle de Pascal Légitimus est dédié aux autres métis. « Mon comportement et mon vécu peuvent être un témoignage utile et nécessaire pour les personnes qui sont dans mon cas, c’est-à-dire mélangées. » Tous ceux qui peuvent se sentir semblables et différents partout :  « Dans le spectacle, je dis que quand je suis au Maroc, on m’appelle Mohammed et, dès l’aéroport, je porte les valises… En Amérique du Sud, on m’appelle Ramirez, en Autriche, on m’appelle Dégage, aux Etats-Unis, on ne m’appelle pas, on m’arrête…  » 

Dans son Alone Man Show, Pascal Légitimus oscille entre le sensible et l’humour de façon continue. Le sensible d’abord : « Le fait d’avoir la couleur entre deux chaises peut être compliqué. C’est comme quelqu’un qui n’a pas de parents… » Puis immédiatement, comme pour éviter de tomber dans le pathos ou dans un engagement ostensible qu’il abhorre, il se réfugie tout de suite derrière l’humour  : « Sur scène, je danse sur les deux musiques. On ne peut pas « pécho » avec la musique folklorique arménienne. Par contre avec le zouk, c’est pas mal. »

On ne voyait que le côté antillais,
j’avais envie de rétablir la vérité

« Je raconte une histoire, avec un début, un milieu, une fin, avec des personnages que j’ai rencontrés, que j’ai côtoyés et que j’incarne. Je suis Arménien dans la vie, Antillais sur scène. Ca dévoile bien la bipolarité du personnage. » S’il y avait une morale à retenir  ? « J’ai été ballotté entre les deux cultures. Arménien, ça ne se voit pas. C’est vrai qu’il y a un délit de faciès, on ne voit que le côté antillais. J’avais envie de rétablir la vérité. »  Alors, si vous voyez Pascal Légitimus chanter le Grounk, ne vous étonnez pas !

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L’info pratique du ProjetMétis : vous pouvez le voir au Palace jusqu’à début janvier 2012. Bientôt la critique détaillée du spectacle sur le blog.

4 réflexions au sujet de « Pascal Légitimus : les ressorts intimes du métissage (entre Arménie et Antilles) »

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  3. en tant qu’armenienne cela me fait plaisire avoir un tel grand homme comme copatriote! Et le Grounk était la chançon préférée de mon père 🙂

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